Mirador

Comme son nom l’indique, l'œuvre Mirador de l’artiste Josée Dubeau est une tour de guet ou un poste d’observation situé à un endroit qui multiplie les ouvertures. Celle-ci est intentionnellement réfléchie pour prendre place sur les rives du ruisseau de la Brasserie qui contourne l’île de Hull. Le site investi n’est pas neutre : l’histoire de cette bifurcation canalisée de la rivière des Outaouais remonte à la genèse des relations tumultueuses entre le Haut et le Bas Canada. Dans le contexte actuel et en ce lieu, la structure surélevée peut susciter un sentiment d’étrangeté, étant donnée la présence inhabituelle d’un tel bâti : la surveillance en milieux militaire et carcéral ou en régions frontalières. 

Dans un geste de subversion, la tour est accueillie ici dans l’espace de villégiature entourant le ruisseau, dans l’arrière-cour de La Filature, édifice qui abrite AXENÉO7. Ainsi, par sa position géographique et son point de vue privilégié, Mirador questionne principalement la relation entre nous, citoyen.ne.s, et le contexte géo-historico-politique dans lequel nous vivons. Il incite à adopter une vision prospective sur l’évolution du ruisseau, du quartier et de son environnement. 

Comment nous découpons l’espace et le temps, selon des schémas de compartimentations techniques, porte le travail de Josée Dubeau à une interprétation de la notion de construction du monde. L’utopie revendiquée par le progrès des structures d’organisation qui en découle est alors dénaturée et transfigurée à travers l’appropriation de diverses formes de nomenclatures architecturales. Celles-ci laissent alors croire à la conception d'un monde détaché et aérien, si ce n’est d'un pragmatisme libéré de ses fonctions ou du réel comme d’un geste fantasmé. Celui-ci devient le substrat d’un travail de dé-re-construction qui utilise le langage de l’architecture dans un processus de conceptualisation in situ qui met en lumière cette relation invisible entre les forces linéaires symboliques et l'espace. Les installations deviennent alors un cadre d’immersion totalement ouvert.

Pour sa part l’échelle dorée de l’oeuvre propose une ascension qui cherche à parvenir à cet effet de suspension, de flottement ou de détachement ; un passage situé entre deux mondes, un espace en soi, une frontière incertaine qui demeure un élément inexpliqué où — souhaitons-le — nous pouvons calmer les conflits et concilier les dualités.