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The Gathering

John Boyle-Singfield

Exposition
Ouverture

Présentée parallèlement à l’exposition 
État des lieux de Lucie Rocher.

Le film The Gathering et l’exposition éponyme, portent sur la relation entre la bureaucratie et la culture des arts. Plus particulièrement, ce travail dresse un portrait de l’art comme une activité antibureaucratique étant paradoxalement essentielle au maintien de l’état administratif.

Le court métrage réalisé dans le cadre d’une résidence à AXENÉO7 met en scène une série de séquences formant un trajet entre les bureaux du Conseil des arts du Canada et une boutique spécialisée en jeux de rôles, cartes à jouer et romans de fantaisie, située sur une rue adjacente à l’immeuble du Conseil. Ce procédé avance la relation symbiotique — sur le plan idéologique — entre les deux institutions, et ce, bien qu’elles soient particulièrement distinctes sur le plan organisationnel.

Univers fantastiques et structures administratives

Boyle-Singfield conçoit les mondes fantastiques comme une métaphore saisissante de notre relation sublimée avec les structures administratives de nos sociétés. Si les jeux de rôles tels que Donjons et Dragons permettent, à travers des aventures épiques, aux joueur.euses d’incarner des barbares, des mages ou des prêtre.esses, ceux-ci semblent à mille lieues de toute formalité administrative. En parallèle, une quantité impressionnante de formulaires, tableaux, statistiques de personnages, jets de sauvegarde et inventaires de toutes sortes forment les fondements de ces plates-formes. Suivant ce constat, est-il invraisemblable d’imaginer un monde fantastique sans la présence spectrale de la bureaucratie ? La violence gratuite de cet univers à la Game of Thrones devient non seulement un exutoire psychologique de notre état de droit, mais nous rappelle aussi que toute réalité antibureaucratique serait impossible à vivre concrètement.

Magic: The Gathering

Empruntant son titre à la fameuse compagnie de cartes à jouer Magic: The Gathering, l’exposition souligne le caractère bureaucratique qui forme les assises du monde de l’art. En effet, le terme Gathering renvoie non seulement à la collecte d’informations, mais également aux perpétuelles assemblées administratives entreprises dans les bureaux du Conseil des arts du Canada.

Le monde de l’art est ainsi soumis à une double condition. Malgré une professionnalisation croissante des artistes selon une logique entrepreneuriale, la pratique artistique est invariablement conçue en société comme une activité romantique et peu rémunérée. Cette figure fantasmagorique de « l’entrepreneur.euse-maudit.e » répond aux instances du pouvoir en opérant un double rôle antagonique. D’un côté, l’individu en question doit irrémédiablement se plier à la logique bureaucrate et à ses violences souveraines. De l’autre, il doit se projeter en tant qu’incarnation contraire de cette bureaucratie afin de donner à la société la négation fantaisiste dont elle a besoin pour compenser ses désirs.

Sans nier la dimension poétique des jeux de rôles ou de la profession d’artiste, Boyle-Singfield cherche à souligner l’idéologie à laquelle les artistes et la culture en général sont substitués. En montrant la violence d’un appareil administratif et d’une culture empreinte d’artifices, The Gathering renverse le miroir des attitudes hypocrites construites à l’aune du complexe bureaucratico-financier.

John Boyle-Singfield est titulaire d’une maîtrise à l’université Concordia (2020). Son travail porte sur les notions de langage et d’exposition, à l’aide d’une pratique alliant la performance, la vidéo, l’installation et le Net art. Boyle-Singfield engage un jeu complexe de représentation des pouvoirs à travers les objets d’art qu’il produit. Souvent teinté d’humour, le laconisme de ses interventions lui permet de créer un territoire de réflexion sur les joies et les violences figurées dans ses œuvres. John Boyle-Singfield a récemment présenté son travail aux centres AXENÉO7 (Gatineau, 2020), La Chambre Blanche (Québec, 2019), Folie/Culture (Québec, 2019), VOX (Montréal, 2018), DARE-DARE (Montréal, 2017), L’Écart (Rouyn-Noranda, 2017), ainsi qu’au Whitney Museum (New York, 2016).

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