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MG-1997-PRED-45

Christophe Barbeau

Exposition

Exposition résultant du programme Autorésidences.

Autorésidences est un programme de résidences à distance initié par AXENÉO7 dans le contexte exceptionnel de la pandémie afin de continuer à soutenir la recherche et le développement des pratiques en art actuel.

Soirée d'ouverture le mercredi 15 mars 2023 de 19 h à 23 h.

Musique par Dj Rodrigo Medrano

Entrée libre
Bar payant — Carte seulement
Stationnement gratuit

MG-1997-PRED-45

Entre le 20 et le 31 mai 1997, Igor Zabel (1958-2005), auteur, théoricien et commissaire d’exposition slovène, a organisé Inexplicable Presence (Curator’s Working Place)  [La présence inexplicable (La salle de travail du commissaire)]. Cette exposition de 11 jours seulement a pris place dans une pièce au sous-sol de la Moderna galerija, le Musée d’Art Moderne de Ljubljana (là où Zabel était employé comme commissaire d’exposition). À l’occasion de cette intime expérimentation, Zabel a invité chacun et chacune des artistes[1] avec l’aide d’un court texte et d’une photographie. C’est ce point de départ commissarial qui initie donc chacune des contributions artistiques. 

La petite pièce était utilisée à la fois comme bureau commissarial temporaire, et à la fois comme espace d’exposition ; espace où Zabel tenta une différente façon d’exposer et de rencontrer les visiteurs dans ce qu’il nomme comme « the peripheral, ephemeral, accidental, and arbitrary »[2] [le périphérique, l’éphémère, l’accidentel et l’arbitraire], et tenta aussi d’imaginer « the possibility of low-budget projects »[3] [la possibilité des projets à petits budgets], tout en interrogeant son propre rôle de commissaire[4]. 

Il n’existe que très peu de documentation visuelle des 11 jours de l’exposition. Notamment, une vidéo[5] est accessible dans l’archive web de la Moderna galerija ; son numéro de référence est MG-1997-PRED-45.

Dans cet intime et muet portrait, la vidéo de 5 minutes se penche sur chacune des œuvres d’art présentes dans l’exposition. Caméra à l’épaule, sa mise au point automatique se brouille dans chaque reflets des cadres et erre au sein du petit espace. Ce parcours presque silencieux, uniquement accompagné par le paysage sonore d’une fenêtre entrouverte, en est hypnotisant. 

En visionnant cette vidéo, j’ai immédiatement supposé que c’était Igor Zabel qui tenait le caméscope (hypothèse qui n’a pas pu être confirmée). J’ai inféré que c’était lui qui filmait. Mon interprétation était univoque, comme témoignant d’une familiarité avec les œuvres d’arts, d’une relation préalable avec les artistes. En tant que document d’exposition produit par le commissaire de ladite exposition, son silence était transgressif, invitant le public à le rejoindre à l’intérieur d’un espace éminemment personnel. Ce regard intime m’a séduit, moi et mon imaginaire de commissaire.

Cette présente exposition, MG-1997-PRED-45, éponyme de l’archive vidéographique, est une fantaisie.

La vidéo de 1997 est recréée, dans son entièreté, par modélisation 3D. Déformée par la rêverie, cette nouvelle vidéo témoigne d’un désir d’atteindre une précision insaisissable. Ici, la bande-son originale est substituée par un nouvel enregistrement réalisé à même la fenêtre du sous-sol de la Moderna galerija, à l’été 2022[6]. 

En 2020, l’Igor Zabel Association for Culture and Theory a publié le catalogue posthume Inexplicable Presence, à la suite de la découverte de la maquette (réalisé par Zabel, lui-même), pour le livre à venir. Dans le texte intitulé « Letter, 21 May 1997 », une citation spécifique dénote une triade d’objets : « For the purpose of this project, I have moved the chair, the table lamp and a huge pile of papers into my temporary room in the basement. »[7] [Pour les besoins de ce projet, j’ai bougé la chaise, la lampe de table ainsi qu’une énorme pile de papiers dans ma pièce temporaire, au sous-sol.]. Cette triade représente les éléments nécessaires pour Zabel à l’inition de l’exposition au sous-sol.[8] En tant qu’objets fantasmatiques, la triade est présente ; invoquant la mémoire d’un commissaire réfléchissant sur sa propre position.

La chaise est de Stol Kamnik, autrefois Remec Co. , une usine de mobilier située à Duplica, en Slovénie. Le design est une extrapolation d’un brevet de Thonet, autrefois fabriqué dans cette même usine. Confectionnée jusqu’à la fin des années 1950, cette chaise est fort probablement le mobilier originel de la Moderna galerija, ouverte officiellement en 1947. 

La lampe, numéro de référence 22017, a probablement été fabriquée par deux usines de Zagreb, TEP Zagreb et Tvornica Svjetiljaka Ivan Šikić, possiblement à partir des années 1960, et ce jusqu'à la fin de la période yougoslave. 

« a huge pile of papers » [l’énorme pile de papiers] seraient les documents nécessaires à Igor Zabel pour perpétuer ses responsabilités institutionnelles à même le sous-sol du musée. Le papier devient, ici, l’espace accueillant ma propre voix, assumant les responsabilités de ma propre fantaisie. 

— Christophe Barbeau

Notes

1. Chère à son commissaire, cette exposition inclue les oeuvres de Heimo Zobernig, Mladen Stilinović, Uri Tzaig, Angela Grauerholz, Jochen Gerz, Jože Barši, Lewis Baltz, Suchan Kinoshita, Yuri Leiderman, et Per Kirkeby.

2. Zabel, Igor. Inexplicable presence: (curator's working place), Ljubljana: Igor Zabel Association for Culture and Theory, 2020, pp.9.

3. Ibid.

4. Zabel, Igor. “Exhibition Strategies in the 1990s : A Few Examples from Slovenia.” Igor Zabel: contemporary art theory, édité par Igor Španjol, Zurich: JRP/Ringier; Dijon: Les presses du reel, 2012, pp.126-145. 

Dans ce texte de 1998, Zabel écrit qu’Inexplicable Presence était une façon de rendre concret certaines de ces réflexions au sujet de la figure du commissaire d’art contemporain. 

5. https://mrezni-muzej.mg-lj.si/en/networkmuseum/4/26/?artworkid=65

6. J’ai eu la chance donner une communication, intiuté The Curator’s Rooms, durant le symposium Exhibiting in Slovenia II, à Ljubljana. https://www.igorzabel.org/en/news/2022/Exhibiting-in-Slovenia-II  

7. Zabel, Igor. Inexplicable presence: (curator's working place), Ljubljana: Igor Zabel Association for Culture and Theory, 2020, pp.11.

8. Dans le documentaire The Curator’s Room; Igor Zabel: How to Make Art Visible? de 2018, présentant d’ailleurs une attention particulière à Inexplicable Presence, comme un projet très ‘caractéristique’ et ‘personnel’ pour Zabel, Beti Žerovc, historienne de l’art et professeure à l’Université de Ljubljana, déclare qu’en déplacement son bureau, Zabel se situe dans le ‘belly of the institution’. Cette locution aide à imaginer le potentiel de travailler depuis l’institution pour y repenser ses propres normes. Appelant à interroger la structure muséale depuis son intérieur. 

Christophe Barbeau est artiste et commissaire. Il détient un baccalauréat en Arts Visuels de l’Université Laval (2015), et une maîtrise en études commissariales de la University of Toronto (2018), où il a reçu le Reesa Grenberg Curatorial Studies Award. Lors de sa maîtrise, ses recherches ont porté sur une compréhension politique de la figure du commissaire d'exposition, activée par une conception auctoriale spécifique à cette de position d'autorité commissariale. Son exposition de fin de maîtrise, and I am the curator of this show1 (2018), a été présentée au Art Museum at the University of Toronto. Qu’avons-nous fait ? Nous nous étions dit non [...] (2019), exposition prenant comme objet de recherche l'écriture commissariale, a été présentée dans un appartement privé à Toronto. Depuis plusieurs années, Christophe Barbeau s’intéresse aussi à un réseau d’artistes, d’œuvres, de commissaires et d’idées provenant spécifiquement de Slovénie et plus largement de la région de l’ex-Yougoslavie, et ce durant les années ’90 et ’00. Cette recherche prend forme dans une série d’expositions d’appartement intitulés Kustosova delovna soba [La salle de travail du commissaire] (2021–). Il a notamment eu la chance de présenter ses recherches lors du symposium Exhibiting in Slovenia II en 2022 à Ljubljana.

Remerciements

J’aimerais remercier infiniment Urška Jurman et Beti Žerovc pour leur générosité et leur support dans mes recherches. J’aimerais aussi remercier Mateja Kos, Igor Španjol, Ida Hiršenfelder, Jana Ferjan, Sabina Povšič, Teja Merhar, Jaka Železnikar, Rene Rusjan, Zdenka Badovinac, Josef Dabernig, Kathrin Rhomberg, Angela Grauerholz, Danijel Hocevar, Yasmine Tremblay et Michèle Thériault. Merci à AXENÉO7, M.A. Marleau, Éric Trottier, Lucile Godet et David Paquin. Merci énormément à Pavel Pavlov, Vincent Bonin, feu Emmanuelle Duret, Ralitsa Doncheva, Barbora Racevičiūtė, Maegan Broadhurst, Genne Speers, Luis Jacob, Chris Curreri, Charles Stankievech, Kate Whiteway, Ryan Ferko, Faraz Anoushahpour, Parastoo Anoushahpour, Mahshid Rafiei, Toleen Touq et Ami Xherro.

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