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Le refuge de la couleur

Mathieu Cardin

Exposition

L’installation Le refuge de la couleur est un espace narratif. Il est praticable et s’apparente par sa forme au paysage.


L’installation Le refuge de la couleur est un espace immersif. Il est disparate et s’apparente par sa forme au factice.


C'est le noir qui est Le refuge de la couleur.


L'installation aurait dû s’appeler : la précession de la substance.  Cette précession est celle du vide et son retour. Celle qui fait gonfler le désir à travers la répétition.


Le noir est le refuge de la couleur est une exposition en noir, noir et noir. Avec beaucoup de blanc.


Le noir est le refuge de la couleur est le prolongement naturel de l’activité de production qui trouve un débouché dans une imagerie qui aspire à se recycler dans sa propre mythologie.


La couleur n’est pas, du moins, n’est plus. La couleur est déviée, puis réfugiée dans la vacuité de la matière. À travers Le refuge de la couleur, Mathieu Cardin conçoit deux écosystèmes, l’un contemplatif, l’autre plus immersif, déployés parallèlement dans deux espaces cartographiés et ramifiés. Le visiteur se retrouve ainsi en constante transition — en déplacement —, confronté à l’anticipation de propositions conceptuelles et manuelles qui ébranlent l’intégrité de la matière, au-delà de sa représentation. Maître du détournement, Cardin offre des mises en scène pittoresques par des agencements inattendus et parfois incongrus d’éléments usinés ou fabriqués. Moins clinquantes, plus intrigantes et même déconcertantes, les installations de cette exposition ne montrent pas les débordements habituels ni les basculements d’objets bigarrés fidèles à la pratique de l’artiste.

D’une part, dans la galerie éminemment imprégnée de la lumière naturelle, Cardin présente un immense relief terrestre à l’esthétique mi-artificielle imbriqué à l’architecture. Cosmique, arctique, désertique ou bucolique, nul adjectif ne peut qualifier le genre de paysage avancé ici par l’artiste. Il inscrit son œuvre dans la tradition du paysage pour qu’elle s’en affranchisse et s’ingénie à la déconstruire et à la reconstruire en une illusion onirique. Quoi qu’il en soit, l’espace offre une aperception différente de l’usage du paysage. La fenestration permet à l’installation de se révéler à l’intérieur comme à l’extérieur, et d’osciller entre les notions d’in situ et d’ex situ : la contemplation n’est pas la même, la perception optique non plus. D’un point à l’autre, il y a transposition de l’intérieur vers l’extérieur, la temporalité du déplacement qui, en alternance, déstabilise l’expérience spectatorielle ou au contraire, favorise l’observation. Le paysage entièrement monochrome, constitué d’innombrables teintes grisâtres, est en constante fluctuation en raison de la luminosité variante. Au mur, l’imagerie vaporeuse et nébuleuse d’un ciel incertain accentue l’effet de perspective de l’installation en une morne vastitude ; une nature distante à la fois utopique et dystopique.

D’autre part, dans la galerie contiguë, Mathieu Cardin avance un espace effarant et ambivalent, aux points de vue dissimulés à travers deux constructions symétriques, des cloisons de murs inachevées — architectures dans l’architecture. Il poursuit la déstabilisation du visiteur en déjouant l’appréhension de celui-ci face à ses propositions bidimensionnelles et tridimensionnelles. Au fil des déplacements dans l’espace immersif, la capacité à saisir les simulacres se brouille. Le sentiment d’intrigue est accentué par des objets elliptiques qui se retrouvent sur l’un et l’autre des côtés des murs, en photographies ou en dessins ; représentations visuelles des objets. L’envers du décor révèle, par intermittence, les distinctes représentations tout en intensifiant la prédisposition à l’interprétation et l’appréciation de la pléthore d’objets — bribes de paysages. À proximité, une fontaine ruisselle lentement, octroyant une légèreté à la densité de l’ensemble et à l’opacité de la matière.

Dans Le refuge de la couleur, le visiteur est invité à observer, ausculter et appréhender ces espaces (ir)réels, les paysages aux effets chromatiques estompés qui dévoilent des énigmes visuelles allusives, un univers conceptuel contenu et limité ; les arrière-pensées de Mathieu Cardin.

— Jean-Michel Quirion

Artiste originaire d’Urville en France, Mathieu Cardin a obtenu une maîtrise en beaux-arts à l’Université Concordia (2014) et il a depuis présenté une douzaine d’expositions personnelles et participé à nombre d’expositions de groupe, de même qu’à des résidences d’artiste en France, au Mexique, en Italie, au Québec, et au Symposium d’art contemporain de Baie-Saint-Paul (2015).

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